Un petit « break » avant de partir?

Le début de la lactation chez la vache est une période critique de changements physiologiques et alimentaires. Malheureusement, l’apport énergétique provenant de l’alimentation ne peut pas augmenter au même rythme que la demande liée à la production laitière. Il en résulte que les vaches puisent dans leurs réserves. Cette mobilisation du gras entraîne une production de corps cétoniques (BHB) qui peut entraîner des effets indésirables comme une diminution de la consommation et une diminution de l’efficacité du système immunitaire.

            L’approche conventionnelle pour minimiser ces risques est d’augmenter la densité énergétique de la ration, ce qui n’est pas sans risque. En effet, en augmentant la densité énergétique, on augmente le risque d’acidose ruminale et de déplacement de caillette. Également, l’utilisation de Monensin (Kexxtone) est très répandue et permet de modifier la flore du rumen pour favoriser une production d’énergie plus utile pour la vache.

Dans cet équilibre précaire, une nouvelle approche est à l’étude présentement avec des résultats prometteurs : la traite partielle en début de lactation. Il s’agit de diminuer temporairement la quantité de lait récolté afin de diminuer la demande énergétique pour la vache.

Une première approche impliquant une traite par jour durant la première semaine de lactation a démontré une diminution de la concentration en BHB durant les 2 premières semaines et une meilleure fonction immunitaire. Cependant, un impact négatif sur la production laitière future a été noté (3,2kg en moyenne).

 Une seconde approche de traite incomplète a été proposée : conserver la même fréquence de traite mais diminuer la quantité maximale de lait récolté durant les 5 premiers jours de la lactation. Une étude dans 13 troupeaux québécois de taille et de régie différentes a été réalisée avec un protocole de traite d’un maximum de 10kg/jour au jour 1 à 3 puis d’un maximum de 12kg/jour et 14kg/jour au jour 4 et 5 respectivement. Les résultats de cette étude ont permis de conclure que la traite incomplète réduit de moitié l’hypercétonémie en début de lactation. Aucune différence tant au niveau de la quantité de lait produite, qu’au niveau de la composition du lait jusqu’à la 47e semaine n’a été notée. Les producteurs participant à cette étude se souciaient du confort des vaches soumises à la traite partielle. Le temps de couchage et la durée du repos ont été évalués sans qu’aucune différence ne soit notée. L’étude s’est également penchée sur l’incidence des maladies infectieuses comme la mammite et la métrite. Les vaches semblent éliminer les nouvelles infections mammaires plus facilement, mais peu d'impact a été noté sur les maladies du tractus reproducteur. Finalement, pour ce qui est des déplacements de caillette et de l’effet sur la fertilité des vaches, l’étude se poursuit.

En conclusion, les effets sur la santé future d’une traite incomplète en début de lactation semblent positifs.  Ce serait une avenue intéressante dans la gestion de l’hypercétonémie et des infections mammaires, bien que d’autres études soient nécessaires pour clarifier tous les effets possibles de cette méthode. Dans l’optique d’améliorer l’image des produits laitiers auprès du grand publique, il est intéressant de considérer que cette méthode respecte plus la physiologie naturelle de la vache. De plus, avec l'évolution de la technologie à la ferme, la gestion de protocoles de traite partielle devient de plus en plus simple et facilement envisageable.

 

Références

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